Les lignes qui suivent sont une compilation de ce que j'ai retenu de la journée électorale du 7 février 2006.
Haïti est un pays de désordre, non seulement les Haïtiens sont désordonnés mais encore ils se complaisent dans le désordre. [Je tiens à rappeler que je suis moi-même Haïtien]. En dépit de tous les éloges faits par les membres du CEP, les membres du corps diplomatique, les observateurs nationaux et internationaux et d'autres encore, le mot qui résumerait le mieux cette journée de vote n'est ni démocratie, ni civisme mais plutôt désordre.
Ayant exercé mon droit de ne pas aller voter, j'ai suivi cette journée de vote à la télévision et aussi un peu à la radio, j'ai aussi discuté avec quelques électeurs qui eux avaient choisi d'exercer leur droit de vote.
Un électeur qui a pu voter tôt dans la matinée du 7 février m'a rapporté ce qui suit: Un électeur dont le nom ne figurait pas sur la liste d'un certain bureau s'y est présenté, il n'a pas voté et est reparti. Après son départ, les membres du bureau déclarent que cet électeur doit quand-même voter alors qu'il était déjà parti, il n'était pas question d'aller le chercher mais plutôt qu'ils le fassent voter.
A la télévision, j'ai vu et entendu Osner H. Févry, un membre de la Commission de Garantie Electorale dire aux citoyens dont les noms ne figurent pas sur le registre du centre/bureau auquel ils devaient voter qu'ils pourront voter, "...même si leur nom ne figure pas sur le registre électoral partiel, un procès verbal sera dressé pour eux" et ils voteront car "...il faut qu'ils participent aux élections". Il a appelé les citoyens munis de leur carte électorale qui avaient fait le déplacement jusqu'aux centres de votes à ne pas repartir chez eux sans voter.
En même temps, le porte-parole du Conseil Electoral déclare que les électeurs ne pourront voter à un bureau de vote que si leur nom et leur photo figure sur la liste électorale partielle de ce bureau.
[Plus tard le CEP a admis des omission dans le registre électoral partiel et a autorisé les membres des bureaux de vote à laisser voter les personnes qui auraient dû en principe voter dans un bureau, il faut néanmoins qu'un procès verbal soit rédigé pour ces cas spéciaux].
Sur une autre chaîne de télévision, un journaliste explique aux citoyens que le CEP a déclaré qu'une personne munie de sa carte électorale peut aller voter dans n'importe quel bureau de vote, "..pourvu que vous ayez votre carte...". Ceci a été démenti par le président du CEP après les élections mais le mal était déjà fait. De nombreuses personnes ont été voter dans des bureaux autres que ceux auxquels ils avaient été envoyés. [Décidément l'apprentissage de la démocratie est rude].
Les "isoloirs", apparemment trop bon marché, placés dans les bureaux de vote n'ont très souvent pas joué leur rôle. La plupart [pas tous] des personnes que je connaisse et qui m'ont parlé de leur expérience ce jour là ont du "prendre leur temps" et attendre que les yeux indiscrets se détournent avant de pouvoir enfin faire la croix sur le bulletin présidentiel car ils étaient observés par des partisans de LESPWA [non pas les mandataires] dont ils craignaient les réactions. En l'an 2000 j'avais été voter et la situation n'était pas bien différente, cela fait presque six ans et nous en sommes encore là.
Certains craignaient l'insécurité mais c'est le désordre qu'il fallait craindre. Les électeurs déploraient le nombre insuffisant de policiers nationaux dans les centres de vote et l'absence de la MINUSTHA, dans certains bureaux des policiers supplémentaires ont été appelés en renfort, les quelques-uns présents sur place étaient vite dépassés.
Un électeur [habitant de Cité Soleil selon ses propres déclarations] a déclaré au micro de Télé Guinen que le CEP avait intérêt à respecter le vote du "peuple", à savoir, "...le choix de René Préval pour président", il ajouta même, qu' "...au lieu d'enlever la victoire à René Préval, il valait mieux aux membres du CEP de faire le choix de Léon Manus ou encore celui du général Bacellar". Venant de la part d'un supporteur de LESPWA ce type de discours ne devrait étonner personne, Préval n'avait pas tenu un discours très différent en l'an 2000. [Léon Manus était le président du CEP et avait dû fuire le pays avant la proclamation des résultats des élections contestées de mai 2000 alors que René Préval était président et le général Bacellar était le commandant des forces de la MINUSTHA dans le pays, il a mis fin à ses jours]
Les personnes à qui on a dit où faire la croix ne se comptent plus.
A la télévision on voyait les électeurs de Cité Soleil qui ont été voter à l'immeuble 2004 où les isoloirs n'existaient que de nom. Lorsque l'on sait que les bureaux de vote avaient été placés hors de Cité Soleil pour éviter que les électeurs soient contraints de voter pour tel ou tel candidat. Imaginez un instant, un habitant de Cité Soleil qui décide de voter un autre candidat que celui des militants qui sont en train de regarder où est-ce qu'il fait le croix. Pensez-vous qu'il aura le courage de voter pour un candidat autre que le leur?
Des partisans de LESPWA avaient manifesté en dépit de l'interdiction de manifester pendant toute la période électorale jusqu'à la publication des résultats officiels des élections, toute propagande ou publicité en faveur des candidats était aussi interdite. Mais la loi et les décrets ne sont valable ni pour René Préval ni pour ses partisans.
Pour finir, un point non soulevé par les médias, certaines personnes ont été voter uniquement parce qu'ils croient qu'après le vote une fiche sera apposée sur leur carte et que cette CIN ne sera valable qu'avec cette fiche.
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