vendredi, février 17, 2006

Les Flatteurs

"...tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute" Jean de la Fontaine

Les politiciens et autres, diplomates, fonctionnaires de l'ONU, ne ratent pas une seule occasion de flatter le "peuple" haïtien qui a donné un bel exemple, une leçon [même] de démocratie au monde entier et fait preuve, selon certains, de "maturité" politique. Je dirai au risque de choquer ou de décourager certains lecteurs que tous ceux, sans exception aucune, qui utilisent l'expression "maturité politique" en parlant du comportement des électeurs haïtiens sont des démagogues et très probablement des Lavalassiens. Ceci étant dit, je n'ai pas été voter, de même que plus d'un million d'électeurs potentiels. Par contre j'ai pu "admirer" d'abord à la télévision, puis sur Internet le comportement tant louer de mes compatriotes, surtout ceux de Port-au-Prince.

Par voie de presse, le CEP a fait connaître à la population qu'ils pourraient voter de six heures du matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi. En voyant cette annonce à la télévision, j'ai eu envie de prendre le téléphone pour les appeler et de leur dire que ce n'était pas du tout raisonnable de leur part et qu'il aurait sans doute mieux fallu ouvrir les bureaux un peu plus tard ce qui serait plus réaliste, mais il était trop tard, de toute façon ces messieurs et dame du CEP n'en sont pas à leur première décision non-raisonnable. Aussi, ce qui devait arriver arriva.
Alors que les électeurs avaient commencé à se mettre en ligne bien avant l'heure d'ouverture prévue, les bureaux n'ont ouvert que des heures plus tard. Ce qu'il faut savoir c'est qu'un centre de vote regroupe plusieurs bureaux de vote et qu'après avoir accédé au centre de vote, l'électeur doit ensuite se rendre au bureau approprié pour voter car son nom ainsi que sa photo son censés figurer sur la liste électorale partielle de ce dit bureau. Sachant que bon nombre d’électeurs ne savent pas lire vous imaginez un peu la difficulté que présente cette démarche.

Dans certains centres de votes, les électeurs ont forcé l'entrée avant l'ouverture car ils étaient impatients de voter ; dans d'autres, ils ont attendu l'ouverture mais ils se sont bousculés pour entrer. Les photos de ces bousculades sont partout dans la presse sur Internet. Rappelez-vous, en principe, après avoir pénétré dans le centre de vote, il faut trouver le bureau dans lequel vous devez voter. En réalité, dans de très nombreux centres, face à la pression de la foule qui ne pouvait plus attendre pour voter et qui avait pénétré par la force dans le centre de vote, les responsables de ces centres ont laissé les électeurs présents qui n'arrivaient pas à trouver leur bureau, voter dans n'importe quel bureau. Des personnes que je connais personnellement ont même voté dans des centres autres que ceux auxquels ils avaient été envoyés. Dans de nombreux centres et bureaux, le registre électoral partiel n'a pas beaucoup été utilisé. Or ce fameux registre électoral a été cité par les membres du CEP comme un des grands acquis du processus électoral avant même la tenue des élections.

Je ne veux pas donner l'impression que ces élections n'étaient pas du tout crédibles néanmoins il est important de souligner les irrégularités qui ont eu lieu afin de les corriger la prochaine fois si prochaine fois il y aura et surtout si le souci d'organiser des élections honnêtes anime toujours les membres du CEP.

Les citoyens haïtiens étaient heureux d'aller voter c’est certain, ils l'étaient encore plus d'avoir pu le faire effectivement. A mon tour de saluer le courage des citoyens qui malgré les mauvaises expériences passées ont accepté de participer au scrutin en très grand nombre en espérant que leurs voies seront comptées. Je ne saluerai pas leur maturité politique car malheureusement, à mon avis la majorité de ces électeurs ne sait pas ce que c’est qu’une élection, je n'exagère pas en disant cela, il suffit d'écouter les slogans pro-Préval dans les rues pour s'en convaincre.

L'un des plus gros problèmes avec ces élections est le fait que de trop nombreux électeurs n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils devaient faire pour voter. Ils ne savaient pas quoi faire des bulletins qui leur étaient remis [Wycleff Jean peut en témoigner]. Dans le meilleur des mondes, un membre de bureau les aiderait sans influencer leur choix, sans doute ce fut le cas pour certains mais à beaucoup le choix a été disons "suggéré".

Dans la quasi-totalité des bureaux, les isoloirs ne reflétaient pas la fortune dépensée pour ces élections. Des isoloirs en carton qui n'isolent personnes, d'ailleurs beaucoup s'en sont passés. Il me semble que la notion même d'isoloir n'est pas encore entrée dans notre culture.

J'avais été voté en 2000 pour les législatives et locales, mon premier vote, à l'époque déjà je m'étais donné beaucoup de mal pour que les membres du bureau de vote et les autres électeurs ne voient pas pour qui je votais. Mais dans ce pays, je fais partie d'une minorité qui trouve cette situation anormale. Pourtant, cet état des choses pose un problème assez grave à mon avis. Pour bien le comprendre, il convient de se rapporter au cas de Cité Soleil. Les électeurs de Cité Soleil, ont été voter dans quatre centres de vote dont l'immeuble 2004.

J'ai suivi sur Télé Guinen le déroulement du vote dans ce centre de vote. Au moment où Télé Guinen filmait, les soldats de la MINUSTHA, les étrangers (journalistes et autres) présents sur place semblaient être tous restés à l'extérieur contrairement à ce que j'avais pu constater à un autre centre de vote où j'avais vu un observateur étranger se tenir jusque devant des urnes pour "observer" et prendre des notes. La situation à l'intérieur était des plus chaotique. Au milieu d'une foule dense se tenaient les bureaux où chacun votait comme il peut sans se fatiguer pour aller jusqu'à un éventuel isoloir. De nombreuses personnes qui ne votaient pas étaient aussi présentes à l'intérieur, ils se tenaient là ou se déplaçaient dans le plus grand désordre. N'importe qui pouvait voir pour qui une personne votait. Or, à par les raisons de sécurité évoquées pour placer les centres de vote hors de Cité Soleil, l'autre raison était pour empêcher que ces personnes ne votent pour un candidat sous la contrainte. Mais comment quelqu'un dans de telles conditions aurait-il pu prendre le risque de voter pour quelqu'un d'autre que Préval? Les autres personnes présentes auraient su qu'il a voté pour un autre candidat et il n'aurait peut-être pas pu rentrer chez lui ensuite. Personnellement, je ne pense pas que j'aurais pris ce risque. Il a même été rapporté que certains chefs de gangs recherchés par la police ont été voter dans les centres de vote réservés aux habitants de Cité Soleil. Un des électeurs à ce centre de vote [l’immeuble 2004] affirmait que le peuple de Cité Soleil était sorti massivement pour voter Préval, il a aussi eu à dire que s'il racontait ce qui se passait dans ce centre le journaliste ne le croirait pas.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…
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